En effet, au-delà de la production de tout ce qui était indispensable à l’usage courant (poterie domestique, tuiles, pavés…) nos potiers locaux se sont distingués par leur savoir-faire artistique. Pour preuve, voici ce qu’écrivait en 1631 un historien normand contemporain : « On fait à Manerbe, près Lysieux, des vaisselles de terre qui ne cèdent en beauté et en artifice, à celle qu’on nous apporte de Venise ». Cependant, c’est à partir du XVème siècle, et surtout les deux suivants, que cet art de la terre atteint son apogée notamment avec la production de remarquables épis de faîtage en terre cuite émaillée.
Ainsi, de son banal rôle d’accessoire assurant la protection du poinçon en bois qui dépassait du toit, l’épi devient œuvre d’art. Il orne principalement châteaux et manoirs et devient signe de distinction pour leur propriétaire. L’histoire à ce jour nous fait toujours défaut pour savoir ce qui a transformé nos traditionnels potiers en artistes imprégnés d’art italien et maîtrisant l’art de la céramique au point d’être confondus avec le Maître Bernard Palissy. Des artistes transalpins se seraient-ils établis dans notre région ? Certains le pensent. Quoi qu’il en soit, le résultat est là, même si, malheureusement, les rares traces qui subsistent de ce glorieux passé ne sont désormais visibles que dans quelques musées (Lisieux, Caen, Rouen, Paris, Sèvres, Lille, Limoges, Lyon…).
Composé de plusieurs éléments qui s’enfilent sur une tige de fer, l’épi dépasse fréquemment les
1,40 mètres. Trois éléments essentiels le composent :
- la base, qui prend la forme de la place qu’elle va occuper sur la toiture ; elle est ornée, décorée de feuillages, de têtes émergeant d’une large collerette plissée…
- le motif central, à l’origine en forme de coupe (avec fleurs et fruits dont parfois le melon de Lisieux) qui prend bientôt la forme d’un vase souvent avec des anses (lui aussi décoré de têtes, de femmes, de chérubins, avec draperies frangées) ;
- le couronnement. Le plus souvent un oiseau (pigeon, crécerelle, pélican).
Les teintes les plus couramment employées sont le bleu azur, le blanc, le vert, le jaune.
La glorieuse période artistique disparaît au cours du XVIIIème siècle.